Les systèmes alimentaires sont apparus non seulement comme un défi agricole, mais comme un élément qui change la donne pour catalyser les résultats sur plusieurs ODD
Transformer la façon dont la nourriture est produite à l’île Maurice, dans l’océan Indien, pourrait aider à lutter contre le changement climatique et accélérer les progrès vers les objectifs de développement durable (ODD), selon la plus haute représentante de l’ONU dans le pays.
Lisa Singh, Coordonnatrice résidente des Nations Unies à Maurice et aux Seychelles, s’exprimait avant le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires +2 qui s’est déroulé en Italie du 24 au 26 juillet.
« C’est une période particulièrement intéressante pour être le Coordonnateur résident d’un petit État insulaire comme l’île Maurice. Depuis mon arrivée ici en 2022, j’ai connu des exemples de conditions météorologiques extrêmes telles que des inondations et des cyclones d’une part et des pénuries d’eau d’autre part.
Cet effet visible du changement climatique, combiné à notre éloignement géographique, à la petite échelle de nos économies et aux coûts d’importation élevés, a de graves conséquences pour la sécurité alimentaire de notre île. Il a pris de l’ampleur depuis la pandémie de COVID-19 et les chocs d’approvisionnement et de produits de base liés à la guerre en Ukraine, suscitant de fortes préoccupations concernant la sécurité alimentaire en tant que clé du programme de transformation économique durable.
Les systèmes alimentaires sont apparus non seulement comme un défi agricole, mais comme un élément qui change la donne pour catalyser les résultats sur plusieurs ODD. Le Sommet en Italie offre aux deux pays l’occasion de se concentrer sur la voie à suivre pour accélérer le pouvoir de transformation des systèmes alimentaires.
La production alimentaire doit être considérée dans tous les secteurs et non isolément. L’eau et l’énergie sont des intrants directs à toutes les étapes de la chaîne de valeur alimentaire, tandis que les ressources naturelles, les écosystèmes et leurs services sous-tendent la sécurité de ces intrants. L’agriculture représente 30% de l’utilisation de l’eau rien qu’à Maurice. À l’échelle mondiale, un tiers de l’énergie disponible dans le monde est consommé par la chaîne de valeur de la production alimentaire.
Dépendance à l’égard des importations
La lutte contre la pénurie d’eau et l’investissement dans les énergies renouvelables sont essentiels à la sécurité alimentaire. Maurice importe les trois quarts de son énergie avec des énergies renouvelables qui représente 24% de son mélange énergétique actuel. Il importe plus de 77% de ses besoins alimentaires et les ménages sont sous pression alors que les prix des denrées alimentaires de base comme le pain, les lentilles noires, le lait en poudre et l’huile de cuisson continuent d’augmenter.
Notre dépendance à l’égard des importations telles que les semences, les engrais, les pesticides, les technologies et les équipements la rend vulnérable aux perturbations mondiales des produits de base et de l’approvisionnement.
La transformation des systèmes alimentaires peut jouer un rôle clé dans les stratégies nationales d’atténuation et d’adaptation au changement. Par exemple, conformément à ses contributions déterminées au niveau national, Maurice a réaffirmé ses engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. Le pays a également identifié l’agriculture comme un secteur prioritaire pour l’adaptation au changement climatique en mettant l’accent sur les techniques d’irrigation efficaces et l’agriculture intelligente face au climat.
De toute évidence, pour l’équipe des Nations Unies, il est essentiel de soutenir une approche systémique holistique pour traiter les liens entre l’alimentation, le climat, l’eau, l’énergie et le genre.
L’importance des partenariats
Nous adoptons une double orientation. Il y a l’engagement institutionnel pour éclairer les stratégies, les politiques et les budgets nécessaires pour transformer les systèmes alimentaires ainsi que pour influencer les allocations budgétaires.
Maurice importe plus de 77% de ses besoins alimentaires et les ménages sont sous pression
Nous visons également à renforcer la résilience des communautés, en tirant parti du pouvoir des partenariats, des plateformes numériques, des modalités privé-public et des données, avec l’inclusion des femmes et des jeunes.
Pour des pays comme Maurice où le tourisme est une source importante de revenus du PIB, l’impact du changement climatique pose un risque compte tenu de ses écosystèmes naturels rares mais fragiles.
La vie et les moyens de subsistance des communautés, en particulier dans les zones côtières, sont directement touchés. Le blanchissement des coraux et la pollution humaine exercent une pression sur l’écosystème du lagon affectant nos pêcheurs artisanaux comme Nazma et sa famille.
Elle est pêcheuse artisanale depuis plus de 30 ans avec son mari et plusieurs de ses enfants. C’est un mode de pêche durable, car seules les lignes sont utilisées contrairement à la pêche commerciale. En outre, la plupart des poissons qu’ils capturent sont destinés à la consommation à Maurice et non à l’exportation.
Nazma dit qu’elle aime tout ce qui concerne la pêche. C’est une passion qui est devenue son métier. Mais, souligne-t-elle, la vie est chère, le carburant est cher et il y a moins de poissons dans le lagon.
L’ONU, en collaboration avec l’Union européenne par le biais du projet Ecofish, utilise des innovations technologiques pour donner aux pêcheurs artisanaux les moyens de quitter les lagons surexploités.
Favoriser une agriculture « intelligente »
En améliorant la résilience économique de ces communautés de pêcheurs traditionnels, la sécurité alimentaire sera renforcée grâce à une meilleure gestion des ressources marines.
À Rodrigues, qui fait partie de l’archipel de l’île Maurice, nous travaillons avec huit femmes qui ont formé la Rodrigues Turmeric Producers Association (Association des producteurs de curcuma de Rodrigues) pour cultiver et transformer le curcuma en poudre à vendre.
Abordant les apports énergétiques dans l’agriculture, l’une des membres de l’association, Marie-Anne, explique qu’avec le soutien financier du Programme de petites subventions (SGP) du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) soutenu par l’ONU, elle et ses pairs ont pu acheter un séchoir solaire pour remplacer un séchoir électrique qui consommait beaucoup d’énergie et coûtait très cher.
Sa collègue et amie, Perrine, explique comment le métier permet aux femmes de s’émanciper. Cela permettra aussi à leurs petits-enfants de continuer ce travail car le curcuma sera toujours là.
Il existe d’autres solutions innovantes de systèmes alimentaires durables pilotées par des agences des Nations Unies à Maurice. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et ONU Femmes dans le cadre du Fonds commun pour les ODD, font la promotion de biofertilisants à faible coût fabriqués localement à partir d’algues.
Des initiatives visant à favoriser une agriculture intelligente sont soutenues par la FAO, le PNUD, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA).
Alors qu’il ne reste que sept ans pour mettre en œuvre l’Agenda 2030, notre équipe de pays des Nations Unies à Maurice poursuivra ses efforts pour soutenir la diversification de l’économie, renforcer l’économie circulaire et investir dans le capital humain pour lutter contre les chocs d’approvisionnement.
Travailler en partenariat pour faire avancer l’action climatique et favoriser des voies résilientes est essentiel pour protéger l’avenir de Maurice pour notre peuple, notre planète, la prospérité et la paix ».