L’Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre de graves violences constitutives de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité « commises par toutes les parties », conclut vendredi une mission d’enquête de l’ONU.
Selon le rapport publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), des abus flagrants ont été commis depuis fin 2024 par les rebelles du M23, soutenus par les Forces de défense rwandaises (FDR), ainsi que par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des groupes armés affiliés.
Le document, rédigé par la Mission d’établissement des faits du HCDH sur la situation dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, conformément au mandat confié par le Conseil des droits de l’homme, souligne « la gravité et l’ampleur des violations et des abus commis par toutes les parties au conflit ».
« Les atrocités décrites dans ce rapport sont horribles », a déclaré dans un communiqué, Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme. « C’est profondément frustrant d’être à nouveau témoin de la déshumanisation de la population civile par ceux qui détiennent le pouvoir et qui manquent à leurs responsabilités ».

Une mère et sa fille violées par des membres du M23
Le rapport indique que le groupe armé M23, « bénéficiant de la formation, du matériel, des renseignements et du soutien opérationnel des Forces de défense rwandaises », a recouru de manière récurrente à « des exécutions sommaires, à la torture, à la détention, aux disparitions forcées et au recrutement forcé ».
Cette campagne de terreur vise toute personne « perçue comme opposée au M23, considérée comme une menace pour sa conception de l’ordre et de la sécurité, ou jugée apte à combattre ou à servir le mouvement ».
Les membres du M23 ont également systématiquement commis des violences sexuelles à grande échelle, principalement sous la forme de viols collectifs, et d’autres formes de violences sexuelles, y compris l’esclavage sexuel. Les femmes et les filles ont été visées de manière disproportionnée, mais les hommes, les garçons et les personnes LGBT ont également été victimes de violences sexuelles, y compris en détention.
« Certaines victimes ont raconté avoir été violées ou violées collectivement chez elles, aux côtés de leur mère, de leur fille ou de leur sœur. Une victime a raconté que le M23 avait mené des fouilles maison par maison à la recherche de soldats des FARDC dans le quartier de Katindo, à Goma. Elle a été violée collectivement par trois membres du M23, en même temps que sa mère », a détaillé le rapport.
Sur la base de ces conclusions, la Mission d’établissement des faits « a des motifs raisonnables de croire que les membres du M23 ont pu commettre (…) des crimes contre l’humanité tels que des meurtres, des privations graves de liberté, des actes de torture, des viols et de l’esclavage sexuel (…), des disparitions forcées et des déportations ou des transferts forcés de population ».
Un garçon de 13 ans violé avec sa mère
Les enquêteurs de l’ONU documentent également les violations graves commises par les Forces armées de la RDC (FARDC) et les groupes armés affiliés, tels que Wazalendo. La Mission a documenté des meurtres délibérés de civils par les FARDC après des combats internes avec Wazalendo.
Les enquêteurs de l’ONU ont identifié un recours généralisé à la violence sexuelle, principalement des viols et des viols collectifs contre des femmes et des filles, ainsi que des pillages commis par des membres des FARDC et de Wazalendo lors de leur retraite du front en janvier et février.
Les enquêteurs sont ainsi revenus sur le cas d’un garçon de 13 ans qui a été violé avec sa mère, et celui d’un garçon de 14 ans qui a été battu et contraint d’avoir des rapports sexuels avec une parente devant ses frères et sœurs.
Les coupes budgétaires réduisent l’aide
Mercredi, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) avait alerté sur la situation dans la province du Sud-Kivu, avec notamment les conséquences des affrontements entre groupes armés dans le territoire de Kalehe. Selon l’OCHA, au moins 22 femmes ont été violées lors d’affrontements armés dans plusieurs villages du territoire entre le 22 et le 31 août.
« Nos partenaires locaux signalent que les victimes n’ont pas reçu de soins médicaux dans les 72 heures critiques qui ont suivi les incidents », a détaillé l’OCHA, relevant qu’en raison des récentes coupes budgétaires, plus de la moitié des services de lutte contre la violence sexiste ont été suspendus dans tout le pays.
« Les victimes n’ont même plus accès aux maigres services d’aide dont elles bénéficiaient auparavant. Ainsi, elles ne peuvent plus obtenir de kits dans les centres médicaux, par exemple. Or, c’est précisément dans ce type d’endroits que nous nous rendions pour tenter de documenter l’ampleur des violences sexuelles qui ont été perpétrées », a insisté pour sa part, Ravina Shamdasani, porte-parole du HCDH.
A noter que le Plan d’intervention humanitaire 2025 pour la RDC, qui prévoit 2,5 milliards de dollars pour venir en aide à 11 millions de personnes, est actuellement financé à moins de 15 %, avec seulement 376 millions de dollars reçus à ce jour.
Source : NATIONS Infos