Côte d’Ivoire : les marchés observent avec attention l’élection présidentielle

Côte d’Ivoire : les marchés observent avec attention l’élection présidentielle

La Côte d’Ivoire se prépare pour l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, une échéance cruciale. Quinze ans après la crise post-électorale, le pays a retrouvé une forte vitalité économique et une certaine stabilité politique. Cependant, les marchés financiers demeurent sur leurs gardes, craignant que ce scrutin ne vienne fragiliser cette confiance récemment établie.

Le président Alassane Ouattara, en fonction depuis 2011, briguera à 83 ans un nouveau mandat, rendu possible par une révision constitutionnelle de 2020. Bien que l’atmosphère politique soit plus calme que durant la période meurtrière de la crise post-électorale, l’opposition dénonce un processus électoral déséquilibré. Plusieurs figures politiques de premier plan, dont Laurent Gbagbo (PPA-CI), Guillaume Soro (GPS) et Tidjane Thiam (PDCI), ont été empêchées de se présenter pour des motifs judiciaires ou administratifs.

Les analystes internationaux estiment que le risque le plus important n’est pas une crise majeure, mais plutôt l’émergence de tensions post-électorales qui pourraient impacter la confiance des acteurs économiques. L’ONG américaine Freedom House classe le pays comme « partiellement libre », soulignant la fragilité persistante des institutions, même en phase de consolidation.


Solidité macroéconomique et défis politiques

La Côte d’Ivoire reçoit les éloges de ses partenaires financiers pour sa gestion macroéconomique. Le Fonds monétaire international (FMI) anticipe une croissance autour de 6,4 % en 2025, soutenue par l’investissement privé et la demande locale. La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a même enregistré une déflation des prix de $-0,8 \%$ en juillet. Le FMI prévoit également que le déficit budgétaire sera ramené à 3 % du PIB cette année, conformément aux critères de l’UEMOA, grâce à un assainissement des finances publiques et une hausse des recettes domestiques.

Malgré le maintien d’une certaine vigilance, l’optimisme domine. Le chef de mission du FMI, Olaf Unteroberdoerster, assure que les « perspectives à moyen terme restent globalement favorables » et que, en dépit des incertitudes mondiales, des tensions géopolitiques et de la vulnérabilité aux chocs climatiques, les risques pesant sur l’économie sont « globalement équilibrés ».

Les agences de notation maintiennent leur confiance tout en renforçant leur prudence :

  • Fitch Ratings a confirmé en juin 2025 la note souveraine BB- avec une perspective stable. L’agence suppose que le scrutin n’aura pas d’impact significatif sur la croissance ou la consolidation budgétaire et prévoit une continuité des politiques économiques. Elle avertit cependant que l’élection d’octobre 2025 est un test crucial pour le système politique, rappelant les antécédents de violence électorale et les risques de troubles liés aux incertitudes sur l’éligibilité de certains candidats.
  • Moody’s Investors Service, qui a rehaussé la note du pays à Ba2 en 2024 (le positionnant juste derrière le Botswana en Afrique subsaharienne), signale que la stabilité politique et institutionnelle demeure un « défi à moyen terme » et appelle à la vigilance face aux tensions liées à l’élection et au contexte sécuritaire ouest-africain.
  • BMI Research (Fitch Solutions) a identifié l’élection comme le deuxième des quatre principaux risques pour le secteur bancaire en 2025, estimant que les tensions électorales pourraient engendrer un « environnement volatil qui menace la stabilité économique et la confiance des investisseurs ».

Sur le marché des euro-obligations, l’élection ne semble pas avoir ébranlé la perception des investisseurs, la dette ivoirienne étant jugée solide. Les écarts de rendement (spreads) entre l’euro-obligation ivoirienne (échéance 2036) et les obligations du Trésor américain sont stables, voire en légère baisse, s’inscrivant dans une tendance africaine plus large (l’indice Cbonds Africa Sovereign USD T-Spread est passé de près de 900 points en 2023 à environ 388 points début octobre 2025).


Programmes politiques et rôle des investisseurs étrangers

Avec une croissance moyenne supérieure à 6 % depuis 2021, la Côte d’Ivoire se positionne parmi les économies les plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest. Le succès de son euro-obligation de 2,6 milliards de dollars en 2024 confirme la confiance des marchés. L’investissement privé est principalement concentré dans l’agro-industrie (le pays est le premier producteur mondial de cacao), les infrastructures et les services numériques, la stabilité du franc CFA étant un facteur rassurant.

Toutefois, les programmes des candidats révèlent des orientations économiques différentes, notamment concernant la France et les investisseurs étrangers.

Alors que le président Ouattara a maintenu des liens solides avec Paris, certains opposants militent pour une redéfinition des relations politiques et économiques avec l’ancienne métropole. Par exemple, le candidat indépendant Ahoua Don Mello plaide pour la souveraineté monétaire via une réforme du FCFA, affirmant que sans monnaie nationale, les réserves en devises restent sous le contrôle de l’ancienne puissance coloniale. De même, l’homme d’affaires Jean-Louis Billon axe sa campagne sur le concept de « L’Ivoirien d’abord », s’engageant, s’il est élu, à privilégier l’économie et les entreprises nationales pour stimuler l’emploi et les revenus locaux.

Ces discours souverainistes trouvent un écho favorable auprès de la jeunesse qui s’estime exclue des bénéfices de la croissance. Dans ce contexte, les investisseurs français sont particulièrement attentifs, la France étant le premier investisseur en Côte d’Ivoire, avec plus de 1 000 entreprises et un stock d’IDE de 2,5 milliards d’euros en 2023, sur fond de montée du sentiment anti-français en Afrique de l’Ouest.

Le prochain gouvernement devra impérativement s’attaquer à des défis sociaux majeurs : l’emploi des jeunes, la réduction des inégalités régionales, l’inclusion financière et l’adaptation aux changements climatiques, des domaines qui ouvrent de nouvelles perspectives de partenariats économiques pour les investisseurs internationaux.

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