Les gouvernements africains doivent mettre fin aux accords existants et refuser d’en conclure de nouveaux
Les récentes expulsions par les États-Unis de ressortissants de pays tiers vers l’Eswatini, le Ghana, le Rwanda et le Soudan du Sud ont exposé plusieurs centaines de personnes à un risque de détention arbitraire, de mauvais traitements et de refoulement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Ces accords opaques facilitant ces transferts, dont certains incluent une aide financière américaine, font partie d’une politique américaine qui viole le droit international des droits humains et qui instrumentalise la souffrance humaine comme moyen de dissuasion à la migration.
« Ces accords font des gouvernements africains des partenaires dans les violations effroyables des droits humains des immigrés par l’administration Trump », a déclaré Allan Ngari, directeur du plaidoyer pour l’Afrique à Human Rights Watch. « Les gouvernements africains qui mettent en œuvre ces accords risquent de violer le droit international, y compris les interdictions de refoulement et de détention arbitraire. »
En août 2025, une porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, aurait déclaré que le pays avait accepté de recevoir jusqu’à 250 déportés, un nombre bien supérieur à ceux mentionnés pour l’Eswatini ou le Soudan du Sud, dans le cadre d’un accord, consulté par Human Rights Watch, incluant environ 7,5 millions de dollars d’aide financière américaine.
Le rôle passé du Rwanda dans des arrangements similaires avec Israël, ses négociations désormais abandonnées pour un accord comparable avec le Royaume-Uni, ainsi que son historique bien documenté de répression, suscitent de sérieux doutes quant à sa capacité à protéger effectivement les personnes concernées.
Human Rights Watch a également examiné l’accord écrit entre les États-Unis et l’Eswatini, selon lequel les États-Unis fourniront 5,1 millions de dollars pour « renforcer la capacité de l’Eswatini en matière de gestion des frontières et de la migration », tandis que l’Eswatini acceptera jusqu’à 160 déportés en provenance des États-Unis. Jusqu’à présent, l’Eswatini a reçu au moins cinq personnes originaires de Cuba, Jamaïque, Laos, Vietnam et Yémen, et les détiendrait au Matsapha Correctional Complex dans des conditions difficiles. Un responsable eswatinien a indiqué à Human Rights Watch que le pays se préparait à recevoir 150 autres personnes. Des avocats et des organisations de la société civile ont contesté la légalité de ces détentions.
Le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Soudan du Sud a confirmé le 4 septembre qu’il détenait sept ressortissants étrangers expulsés des États-Unis en juillet, tandis qu’une huitième personne, un ressortissant soudanais, avait été libérée auprès de sa famille. Un porte-parole du gouvernement a précisé que leur situation était encore à l’étude. Le 6 septembre, les autorités ont annoncé la réexpédition d’un ressortissant mexicain vers le Mexique, sans préciser où se trouvent les six autres hommes, dans quelles conditions, ni sur quelle base juridique ils sont détenus.
Ces déclarations soulignent le manque de transparence et de garanties procédurales entourant ces transferts, selon Human Rights Watch.
En Ouganda, le ministère des Affaires étrangères a confirmé dans un communiqué qu’un accord bilatéral temporaire de coopération avait été conclu avec les États-Unis. Selon ses termes, l’Ouganda recevra des déportés de pays tiers en provenance des États-Unis, mais « les personnes ayant un casier judiciaire et les mineurs non accompagnés ne seront pas acceptés », et la priorité sera donnée aux personnes d’origine africaine.
Le président ghanéen John Mahama a confirmé que son gouvernement avait accepté de recevoir des ressortissants de pays tiers expulsés des États-Unis. Cet accord se limite aux ressortissants d’Afrique de l’Ouest. Jusqu’à présent, cinq citoyens du Nigeria et de Gambie ont été expulsés vers le Ghana dans le cadre de cet accord. Avant leur expulsion, les juges de l’immigration américaine avaient accordé à tous une protection fondée sur la crainte de persécution, soit en suspendant leur renvoi selon l’Immigration and Nationality Act des États-Unis, soit en le différant en vertu de la Convention contre la torture.
L’un des cinq, un homme bisexuel originaire de Gambie, a déclaré dans une déclaration sous serment déposée devant un tribunal fédéral américain que les autorités ghanéennes l’avaient renvoyé dans son pays d’origine après son expulsion par les États-Unis. Ce cas illustre le danger que ces accords entraînent le retour de personnes vers des pays où les tribunaux américains ont déterminé qu’elles couraient un risque sérieux de persécution ou de torture.
Compte tenu des politiques américaines abusives qui les sous-tendent, Human Rights Watch exhorte les gouvernements africains à refuser de conclure des accords pour accepter des déportés de pays tiers en provenance des États-Unis et à mettre fin à ceux déjà en vigueur. Dans l’intervalle, les pays parties à de tels accords devraient en divulguer les termes, permettre l’accès à des observateurs indépendants, s’abstenir de détenir des déportés sans base légale claire, et veiller à ce qu’aucun déporté ne soit renvoyé dans son pays d’origine s’il existe des preuves crédibles qu’il y courrait un risque de persécution, de disparition forcée, de torture ou d’autres graves atteintes.
« Comme l’a rappelé le rapporteur spécial de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur les réfugiés, ces accords ne peuvent pas primer sur les obligations des gouvernements en matière de droits humains », a déclaré Allan Ngari. « L’Union africaine devrait réaffirmer que les expulsions qui ne permettent pas aux personnes de demander protection contre la persécution ou la torture sont illégales, abusives et inacceptables. »