Titulaire d’une maîtrise en géographie, Viviane Kakou ne voulait pas d’une vie professionnelle dans un bureau. Elle a choisi l’agriculture par passion. Grâce à la Banque africaine de développement, son rêve de devenir agripreneur prend corps.
« Quand j’étais en année de licence, raconte Viviane, je travaillais sur l’économie rurale chez les femmes d’Afféry, dans le département d’Adzopé (sud-est). J’ai commencé à apprécier l’agriculture et je me suis dit que je pourrais y gagner ma vie. J’y suis donc venue de façon volontaire. »
Depuis bientôt six mois, la jeune femme célibataire, âgée de 37 ans, suit une formation à l’École supérieure d’agronomie (ESA) de Yamoussoukro (centre), chargée de mettre en œuvre le Projet d’emplois des jeunes en agrobusiness en Côte d’Ivoire (« ENABLE Youth Côte d’Ivoire »). Ce programme national bénéficie du soutien financier de la Banque africaine de développement pour un montant de 1,4 million d’euros.
Ce projet forme la nouvelle génération de jeunes agriculteurs et agripreneurs ivoiriens capables de soutenir la transformation structurelle de l’agriculture locale par l’innovation technologique. Il encourage également les jeunes diplômés à retourner à la terre. Ces jeunes, âgés de 21 à 37 ans, d’un niveau minimum Bac + 2, constituent la première promotion de la phase d’incubation du projet.
L’objectif du projet « ENABLE Youth Côte d’Ivoire » est de renforcer la capacité des jeunes diplômés à créer des entreprises dans les chaînes de valeurs agricoles
« Je travaille sur la chaîne de valeur du manioc. J’ai choisi de travailler dans l’agriculture vivrière parce je pense que le manioc, c’est de l’or blanc », précise Viviane. En 2017, elle s’est rendue au Brésil grâce à la Banque, qui lui a offert une formation dans le domaine du manioc. « Le premier dérivé du manioc, ici, c’est l’attiéké. Mais il y a tellement de produits dérivés du manioc à exploiter », relève-t-elle, forte du soutien de ENABLE Youth pour créer sa PME.
« Ce projet est important car il crée des conditions optimales à l’entreprenariat agricole par l’appui au renforcement des capacités, la promotion des professionnels de l’agriculture et le financement des projets des jeunes », se félicite le directeur de l’ESA, Siaka Koné.
En Côte d’Ivoire, la part cumulée des emplois vulnérables et des chômeurs dans la population active se situait entre 70 et 90 % en 2018. « L’objectif du projet « ENABLE Youth Côte d’Ivoire » est de renforcer la capacité des jeunes diplômés à créer des entreprises dans les chaînes de valeurs agricoles. Par le biais d’incubateurs de projets en agro-business, les jeunes seront formés aux compétences du métier d’agriculteur moderne. Après incubation, les diplômés recevront un appui pour le financement de leurs entreprises », détaille Koné.
Outre la production agricole et animale, les jeunes bénéficiaires du projet pilote de « ENABLE Youth Côte d’Ivoire » apprennent aussi les métiers de la transformation et du e-commerce. Ils font notamment dans la production et la transformation du manioc en farines, en attiéké et d’autres produits dérivés, ou du déchet liquide du manioc en éthanol. Il y a aussi la production et la transformation du piment en purée et en poudre, la production en contre saison de banane plantin ou encore la production de cailles et d’œufs de caille. D’autres interviennent aussi dans la production de champignon pleurote ou ganoderma ou dans l’élevage de lapins ou de pintades.
Viviane Kakou, qui a choisi sa voie d’agripreneur, invite d’autres jeunes diplômés à lui emboîter le pas. « Je voudrais transmettre un message aux jeunes, surtout les filles, leur dire que je n’étais pas désœuvrée. J’ai une maîtrise en géographie, donc pas de problème pour trouver un emploi. Mais, dans l’agriculture, il y a beaucoup d’autres opportunités. Je leur recommande de s’y engager. Nous pourrons les coacher pour changer leur avenir », conseille Viviane Kakou qui, outre le Brésil, est allée à Ibadan, au Nigéria, pour parfaire son savoir-faire agricole grâce à la Banque africaine de développement.
« Je voudrais remercier la Banque africaine de développement, notre ministère de la Jeunesse et le Programme Emploi Jeunes. Grâce à eux, mon rêve se réalise », conclut Viviane, depuis son champ expérimental de manioc d’un quart d’hectare.