Les nations africaines s’investissent de plus en plus dans le secteur spatial. Bien que cet effort représente des coûts significatifs pour un continent confronté à de nombreux défis sociaux, il est perçu comme une étape essentielle vers la souveraineté, la résilience et l’intégration dans l’économie numérique mondiale.
D’après un rapport du Centre africain d’études stratégiques (ACFSS), les pays africains allouent environ 500 millions de dollars par an à leurs programmes spatiaux. Loin d’être un luxe, cet investissement est jugé nécessaire pour des applications pratiques. À ce jour, plus de 21 pays africains ont établi des programmes spatiaux et 18 ont lancé au moins un satellite.
L’ACFSS révèle que plus de 120 satellites supplémentaires sont en cours de développement, avec des lancements prévus d’ici 2030. L’Égypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Maroc, l’Algérie et l’Angola se positionnent comme des leaders du domaine, investissant dans des satellites d’observation, de communication et à des fins scientifiques. Ces pays s’appuient souvent sur des partenariats internationaux, comme celui entre l’Afrique du Sud et la NASA dans le cadre du programme Artémis.
De la Technologie à l’Application Quotidienne
Les satellites offrent des solutions concrètes pour la sécurité, l’agriculture et la connectivité en Afrique.
- Sécurité et surveillance : Les satellites permettent de surveiller les frontières, de lutter contre le terrorisme, le braconnage et la pêche illégale. Ils offrent une visibilité sur de vastes zones souvent inaccessibles par les patrouilles terrestres.
- Agriculture de précision : Dans des économies largement basées sur l’agriculture, les satellites fournissent des données climatiques et de suivi des sols, permettant aux agriculteurs d’améliorer les rendements et de mieux se préparer aux phénomènes météorologiques extrêmes. Cette technologie est déjà utilisée au Kenya, au Nigeria et en Afrique du Sud.
- Connectivité : Les services satellitaires, comme le GPS ou l’accès à Internet haut débit, sont cruciaux pour connecter des zones rurales isolées où les infrastructures traditionnelles font défaut. L’importance de cette alternative a été mise en lumière en mars 2024, lorsque des coupures de câbles sous-marins ont rendu les réseaux satellitaires essentiels pour maintenir la connectivité dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.
Débats et Coopération Continentale
Malgré les avantages, le coût élevé de ces programmes suscite un débat. Certains critiques pointent du doigt des projets coûteux et redondants, arguant que ces fonds pourraient être mieux utilisés pour d’autres besoins sociaux. Le rapport de l’ACFSS met en garde contre le “prestige spatial” et suggère que l’achat de données auprès de fournisseurs commerciaux pourrait souvent être une solution plus rentable, comme l’a choisi le Rwanda.
Pour éviter la dispersion des efforts, l’Union africaine a lancé en avril 2025 l’Agence spatiale africaine (AfSA), basée au Caire. Sa mission est d’harmoniser les stratégies nationales, de mutualiser les coûts et de s’assurer que les activités spatiales soutiennent directement l’Agenda 2063 de l’Union africaine. L’AfSA coordonne des initiatives de formation et des partenariats, comme le Partenariat spatial Afrique-UE, financé à hauteur de 100 millions d’euros par l’Europe pour renforcer les capacités africaines.
La montée en puissance de l’Afrique dans le secteur spatial attire également les grandes puissances (Chine, Russie, États-Unis, Europe), créant une nouvelle dynamique géopolitique. Bien que cette concurrence ouvre des opportunités, elle expose également l’Afrique aux risques de dépendance technologique et d’endettement si elle ne définit pas ses propres priorités.
En fin de compte, la question pour l’Afrique est de s’assurer que chaque dollar investi dans l’espace se traduise par des bénéfices tangibles pour ses populations.