Lorsque Sila, une jeune femme originaire d’Idleb, en Syrie, avait trois ans, elle s’est réveillée sous des tirs de missiles, forçant sa famille et elle à fuir leur maison.
« À partir de ce jour, notre maison est devenue une valise, et notre chemin, celui de l’errance… Mon enfance a été remplie de peur, d’angoisse et de personnes dont j’ai été privée », a-t-elle raconté par visioconférence depuis la Syrie.

Le rapport présenté a documenté une augmentation de 25 % des violations graves contre les enfants en 2024, soit le chiffre le plus élevé enregistré en 20 ans d’histoire de ce rapport.
« Le rapport du Secrétaire général confirme une fois de plus ce que trop d’enfants savent déjà : le monde échoue à les protéger des horreurs de la guerre », a déclaré Sheema Sen Gupta, directrice de la protection de l’enfance au sein du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
« Chaque violation commise contre un enfant, dans chaque pays du monde, constitue un échec moral. »
L’ampleur réelle du préjudice
Le rapport, présenté au Conseil de sécurité, est publié chaque année pour documenter les violations graves commises contre les enfants touchés par les conflits armés. Il repose exclusivement sur des données compilées et vérifiées par l’ONU — ce qui signifie que les chiffres réels sont probablement bien plus élevés.
En 2024, 41 370 violations graves ont été enregistrées, incluant des meurtres, des mutilations, des viols, des enlèvements, ainsi que des attaques contre des infrastructures essentielles à l’enfance, comme les écoles et les hôpitaux.
« Chaque enfant frappé par ces attaques porte en lui une histoire, une vie volée, un rêve interrompu, un avenir obscurci par une violence insensée et des conflits qui s’éternisent », a déclaré Virginia Gamba, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, dont le bureau est à l’origine du rapport.
Même après la fin des hostilités, ces violations graves se poursuivent.
Elles persistent à travers les engins non explosés qui parsèment encore les sols.
« Chaque obus non explosé dans un champ, une cour d’école ou une ruelle est une sentence de mort en attente d’exécution », a souligné Mme Sen Gupta.
Elles persistent également dans les lieux détruits, empêchant les enfants d’avoir accès aux soins et à l’éducation.
Et elles perdurent dans les traumatismes et blessures qui ne quittent jamais vraiment les enfants.
Des cicatrices qui ne guérissent jamais
Les enfants qui survivent à ces violations graves n’en sortent pas indemnes — les blessures physiques et psychologiques les marquent à vie. Même sans blessure visible, le traumatisme reste.
« Les cicatrices physiques et mentales portées par les survivants durent toute une vie, affectant les familles, les communautés et le tissu même des sociétés », a déclaré Mme Gamba.
C’est pourquoi l’UNICEF et ses partenaires ont mis en place des programmes de réintégration et un soutien psychosocial pour les enfants victimes de ces violations.
Sila confie que les traumatismes de son enfance l’habitent encore aujourd’hui et l’ont poussée à devenir militante pour les enfants dans les zones de conflit.
« Depuis ce jour, plus rien ne m’a semblé normal. J’ai développé une phobie de tout bruit ressemblant à un avion, de l’obscurité, et même du silence », dit-elle.
« Cela ne peut pas devenir la nouvelle norme »
Mme Gamba a appelé la communauté internationale à une condamnation sans faille et à une action urgente pour inverser les tendances alarmantes décrites dans le rapport.
« Nous ne pouvons pas revenir à l’époque sombre où les enfants étaient invisibles et sans voix dans les conflits armés… S’il vous plaît, ne les laissez pas retomber dans les ténèbres du désespoir », a-t-elle lancé.
Les réductions actuelles du financement humanitaire entravent la capacité des agences de l’ONU et de leurs partenaires à documenter et à répondre aux violations graves commises contre les enfants.
Face à cela, l’appel de Mme Sen Gupta au Conseil de sécurité est clair :
« Financez cette priorité. »
Elle a insisté : la communauté internationale ne doit pas accepter que cela devienne une « nouvelle normalité », et a rappelé que les enfants ne sont pas et ne doivent jamais être des « dommages collatéraux ».
Lueur d’espoir
Malgré le tableau sombre dressé par le rapport, quelques lueurs d’espoir subsistent, selon Mme Sen Gupta. Par exemple, l’Armée nationale syrienne a signé un plan d’action visant à prévenir le recrutement, le meurtre et les mutilations d’enfants.
Sila aussi a exprimé son espoir — que sa génération soit la dernière à subir de telles violations.
« Je fais partie d’une génération qui a survécu. Physiquement », a-t-elle dit.
« Nos corps ont survécu, mais nos cœurs vivent encore dans la peur. S’il vous plaît, aidez-nous à remplacer le mot déplacement par retour, le mot décombres par maison, le mot guerre par vie. »
Source : UNITED NATIONS